Écologisation des navires : où en est la politique interne ?

« Prenez vos responsabilités ! » La compagnie de navigation MSC avait un message clair à livrer à l’Organisation maritime internationale (OMI). Celle-ci ne parvient pas à traduire les objectifs de l’accord de Paris sur le climat en une politique acceptable pour le transport maritime. Pourtant, le coût de l'écologisation des navires est relativement bas, par rapport à d’autres secteurs. À défaut d'une réglementation internationale, des entreprises privées prennent elles-mêmes les choses en main en cherchant des combustibles alternatifs.

Les porte-conteneurs ont une faible empreinte écologique compte tenu de l'importante quantité de marchandises qu'ils transportent, contrairement au transit aérien dont les émissions sont élevées pour l’acheminement de très petites cargaisons. En appliquant une réglementation appropriée, le secteur pourrait tendre vers des émissions nettes nulles. Une ambition que partagent les Nations Unies, dont l’OMI fait partie. Pour l’heure, la pression internationale s'accentue sur l’OMI pour qu’elle revoie ses objectifs et privilégie les carburants durables.

Carburant durable : c’est quoi ?

L’Union européenne, entre autres, a spécifié en quoi consistait précisément le carburant durable. Elle a publié une longue liste de carburants renouvelables et à faible teneur en carbone, en se concentrant sur des carburants issus de biomasse réellement durable, de déchets et d’électricité renouvelable. Pour chaque type de carburant, l’UE communique la disponibilité attendue pour l’avenir.

Dans notre secteur, la piste la plus prometteuse est celle des carburants tels que les biocarburants et le méthanol vert. Grâce à un post-traitement, comme notre système de filtre ULEv, les navires génèrent des émissions extrêmement faibles d’oxyde d’azote et de particules fines. Ces mesures sont nécessaires. D'ici 2030, l’UE souhaite réduire de moitié le nombre de décès dus à la pollution atmosphérique. Nous impliquons d’ailleurs de plus en plus nos clients dans cette démarche durable. Cela porte ses fruits : le gouvernement flamand nous a récemment attribué le contrat de 'dragage d'entretien durable des voies d'accès maritimes à Anvers'. Nos navires à émissions extrêmement faibles répondent aux prescriptions strictes en matière d'émissions de nitrogène. Une première à la suite de laquelle nous espérons nouer encore plus de partenariats durables.

Conception de navires innovants

Depuis quelques années, nous équipons tous nos nouveaux navires avec notre système de traitement des gaz d’échappement ULEv. De cette façon, nous nous conformons aux normes STAGE V de l’UE. Une démarche absolument innovante et unique en matière de conception de navires. Aujourd'hui, nous allons encore plus loin en cherchant à utiliser le méthanol largement en deçà des prescriptions en vigueur. Les nouveaux modèles de navires sont conçus pour utiliser à la fois du biodiesel et des carburants alternatifs comme le méthanol. Ainsi, nous dépendons moins de la disponibilité locale.

Lors de la conception de navires, certains aspects doivent être pris en compte pour l’utilisation de combustibles à faible point d'éclair, comme le méthanol. Pour avoir la même autonomie, la capacité du réservoir doit être au moins 2,5 fois plus grande. Le méthanol a en effet une densité énergétique plus basse que le biodiesel. il faut également prendre en compte tous les accessoires que le recours au méthanol implique, comme les systèmes de détection des gaz et les appareils électriques protégés contre les explosions. Enfin, il ne faut pas oublier que de tels combustibles à faible point d'éclair étaient autrefois interdits à bord des navires. Tout le secteur va donc devoir apprendre à se familiariser avec cette nouvelle énergie et avec la réglementation qui y est associée.

Naviguer sur batteries

La poursuite de l'électrification offre également des possibilités intéressantes. Nos premières analyses d'une drague à trémie « hybride » ont révélé qu'un navire pouvait naviguer entièrement sur batteries, bien que ce fonctionnement soit encore limité dans le temps. Etant donné que la navigation sur batteries ne génère pas d’émissions, cette technologie est idéale pour des missions dans des zones naturelles ou d’habitation sensibles. Cependant, il est trop tôt pour envisager une électrification totale sur batteries. L’énergie fournie par les batteries actuelles n’est pas encore suffisante pour qu'elles fonctionnent en permanence, de sorte qu'un navire devrait être rechargé deux fois par jour. Le marché n’est pas encore prêt pour cela.

Par ailleurs, les batteries ne servent pas uniquement à fournir de l’énergie. Elles peuvent aussi récupérer et stocker de l’énergie à bord. Par exemple, si notre navire d'installation Les Alizés laisse tomber une charge de sa grue, l’énergie libérée pourra être réutilisée pour assurer un fonctionnement plus efficace et plus économique.

Et si nous visions le zéro CO2 ?

Nous cherchons à avoir une vision large de tous les carburants alternatifs et de leur évolution. Comme toujours, le marché dépend fortement des investisseurs et des fabricants qui évoluent en même temps que leurs produits, dans un cadre strictement réglementé. Pour cette raison, nous soutenons les initiatives qui garantissent un fonctionnement durable des (de nos) navires. Aujourd'hui, nous allons même plus loin dans notre réflexion et étudions la possibilité de rendre nos navires négatifs en carbone. De cette manière, nous pourrions éliminer le CO2 d'origine biogénique de la chaîne énergétique et le stocker. Nous sommes donc encore loin d’arriver au bout du développement des carburants alternatifs.